SEXOSexualité: Pas si facile de prendre son pied

Sexualité: Pas si facile de prendre son pied

SEXONe pas chercher l'orgasme pourrait être la meilleure manière de le trouver...
Un couple au lit, illustration.
Un couple au lit, illustration. - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Quatre-vingt-quinze fois sur cent… On connaît le refrain. Pourtant, les langues ont toujours du mal à se délier: ne pas prendre son pied, ça n’arrive qu’aux autres. La réalité est moins sexy: un sondage publié en mars 2012 révélait que seulement 16% des femmes ont un orgasme à chaque rapport sexuel, contre 90% des hommes. Le plaisir ne se trouverait donc pas si facilement sous la couette.

>> Lire l’enquête intégrale «Sur les traces du plaisir» sur le blog Tout SEXplique

Des clichés qui ont la peau dure

Un vendredi soir de mai, à Rosny-sous-Bois (93). Sophie* et Delphine* attendent leurs copines pour une soirée un peu spéciale: elles sont réunies autour d’une vente à domicile de sex-toys, une occasion rêvée pour parler de sexe. Toutes se déclarent «comblées». Mais qu’est-ce que ça veut dire? Nadine, mariée depuis 22 ans, nous dit que son mari «est très soucieux de savoir si j’ai du plaisir.» Mais prendre son pied à chaque fois? Un «Non, quand même pas!» unanime fait redescendre l’assemblée du septième ciel. «Parfois on est fatiguée, on veut aller se coucher le plus vite possible…», commence à expliquer Laura*, 35 ans. «On pense à la liste de courses», renchérit une autre. «Et c’est là qu’on passe à la simulation», finit par lâcher Laura. Nous y voilà. Les femmes simulent ou pensent à autre chose tandis que les hommes sont toujours partants pour une partie de jambes en l’air qui les mènera à coup sûr au nirvana. Des clichés qui ont la peau dure mais qui rassurent, estime le sexologue Jacques Waynberg. «En matière de sexualité, on nous a donné le sentiment que la norme est la réussite, qu’il est facile de l’atteindre et que ceux qui n’y arrivent pas sont nuls».

Les filles sont aussi tombées dans ce jeu de celui qui aura le plus gros (orgasme): pour Elisa Brune, auteur de La révolution du plaisir féminin, sexualité et orgasme (ed. Odile Jacob), «Une femme peut parfaitement ignorer le plaisir mais même dans des couples égalitaires et ouverts, celles qui ont des motifs d’insatisfaction n’arrivent pas à le dire. Elles ont tellement appris à être passives qu’elles attendent toujours le prince charmant qui va leur mettre le feu». Problème, «L’homme est un ignorant sur le plan de la sexualité féminine, assène le sexologue Gérard Leleu. Elle doit donc lui enseigner comment lui donner du plaisir, mais pour ça il faut qu’elle se connaisse.» L’orgasme ne tombe pas tout cuit, pense également Elisa Brune: «Il n’y a pas de sexualité épanouie sans une vraie éducation, explique-t-elle. La seule chose qui puisse éventuellement être innée, c’est l’accouplement au sens animal du terme.» Gaëlle, démonstratrice de sex-toys, a recueilli les confidences de dizaines de femmes et confirme que «Très peu de filles ont trouvé leur point G. Souvent parce qu’elles ne savent pas du tout où il se trouve et comment le stimuler.»

La cerise sur le gâteau

Les femmes auraient donc du travail à faire pour trouver l’orgasme. Mais les hommes peuvent-ils se reposer sur leurs lauriers? «Le problème de la sexualité masculine est le piège de la facilité, explique le sexologue Jacques Waynberg, le plaisir automatique de l’éjaculation.» Beaucoup d’hommes s’en contentent, estime le spécialiste, et restent «des smicards du sexe». D’autre part, ils sont souvent sous pression dans le lit conjugal: «On leur demande d’être capables de donner des orgasmes, de ne pas avoir de panne, d’être performant… Ca fait flipper pas mal d’hommes», témoigne Alexandre Roth, coach en séduction pour messieurs.

Le plaisir semble donc bien difficile à trouver dans cette incompréhension mutuelle. «Les mâles font un boulot fou contre nature pour ne pas jouir alors que les femmes doivent faire un boulot fou pour jouir. Et les deux ensemble, il faudrait que ce soit un chef d’œuvre!», s’exclame Gérard Leleu. «Il faut absolument sortir la sexualité de la performance et ne pas faire de l’orgasme un diktat, pense Elisa Brune. Pour moi, le critère de l’épanouissement sexuel est de se sentir libre. Ça n’a rien à voir avec le type de sexualité, la fréquence, le nombre de partenaires, le nombre d’accessoires… Chacun son style. Si on n’atteint pas l’orgasme, ce n’est pas grave, la sexualité ce n’est pas que ça. S’il y a un orgasme, tant mieux, c’est la cerise sur le gâteau.» A chacun de faire son gâteau préféré.

*Les prénoms ont été modifiés.