L’espèce humaine n’a décidément rien inventé en matière de sexe. Dans le monde animal, les relations homosexuelles ne relèvent pas de l’exception, tandis que la transsexualité existe bel et bien. Reste à comprendre quels pourraient en être les fondements. Futura-Sciences est allé interroger Thierry Lodé, le spécialiste français de la question.

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    Il est des questions qui ne cesseront jamais de faire débat. L'homosexualité est peut-être l'une d'elles. Pourtant bien tolérée dans certaines cultures par le passé, elle reste au cœur de la controverse, comme l'a récemment montré la polémique nationale autour de la loi sur le mariage pour tous.

    Pourtant, d'après l'expert en sexualité animale Thierry Lodé, chercheur en écologieécologie évolutive aux universités de Rennes 1 et d'Angers, les pratiques entre individus du même sexe ne sont pas rares dans la nature et, de ce fait, n'ont rien de strictement humain. Comment la science peut-elle alors les expliquer ?

    L’homosexualité, pas le propre du genre Homo

    Comme nous l'avons déjà évoqué, sexe et reproduction ne sont pas nécessairement liés, y compris chez nos amies les bêtes. Si on les dissocie, l'homosexualité prend tout son sens. « Le premier moment de la sexualité consiste à reconnaître l'autre comme un partenaire potentiel. Sans séduction, il ne peut y avoir de suite, commente l'éthologue. Or, environ 10 % des individus des espècesespèces étudiées ne tiennent pas compte de la variation sexuelle et se laissent guider par leur désir, qui les amène à s'intéresser à des animaux du même sexe. Et cela se vérifie d'autant plus dans les espèces dites à faible dimorphisme sexueldimorphisme sexuel, quand mâles et femelles se distinguent à peine sur le plan morphologique. »

    Après l'apparition du désir et de la séduction vient la phase érotique. Si l'on conçoit que masturbation, fellation ou sodomie sont couramment pratiquées par les animaux, on peut aussi bien accepter le fait que les premiers temps des relations homosexuelles n'ont pas vocation à la reproduction.

    Au zoo de Central Park, à New York, les manchots à jugulaire (comme ceux à l’image) Roy et Silo, deux mâles, se sont rendus célèbres en s'appariant. Face à cette situation, les soigneurs leur ont donné un œuf issu d'un autre couple qui n'avait pas pu le couver, et les deux amants se sont occupés de Tango. © NOAA, Wikipédia, DP

    Au zoo de Central Park, à New York, les manchots à jugulaire (comme ceux à l’image) Roy et Silo, deux mâles, se sont rendus célèbres en s'appariant. Face à cette situation, les soigneurs leur ont donné un œuf issu d'un autre couple qui n'avait pas pu le couver, et les deux amants se sont occupés de Tango. © NOAA, Wikipédia, DP

    L’homoparentalité existe déjà dans le monde animal

    « Une fois la réconciliation sexuelle opérée, lorsqu'un partenaire stable a été trouvé, les animaux peuvent ressentir le besoin d'avoir des descendants, exactement comme dans l'espèce humaine », enchérit Thierry Lodé. Les couples ainsi formés peuvent se mettre en recherche d'une mère porteuse ou, dans le cas des femelles, trouver un mâle pour les féconder. « Dans les couples lesbiens d'oiesoies sauvages, l'une des femelles s'accouple parfois avec un mâle de passage et élève sa progéniture avec sa moitié. »

    Cependant, un débat divise la communauté scientifique. « Pour certains biologistes, l'homosexualité exige pénétration, car dans l'esprit de la plupart des gens, la sexualité se résume à la génitalité avec pénétration. Cela implique, dans leur conception des choses, qu'il n'existe pas d'homosexualité féminine. On parle alors, à l'anglaise, de same-sex practices. Les femelles doivent-elles alors s'acheter des sex-toys ? », ironise l'éthologue.

    La transsexualité, ou la différence entre génétique et psychologie

    Autre question sociétale importante : la transsexualité. Là encore, elle se rencontre dans le monde animal. « Il n'y a pas de corps de mâle ou de corps de femelle. Chez beaucoup d'espèces, les sexes ne se distinguent pas par les gènes. Les crocodiles se sexualisent en fonction de la température d'incubation, les abeilles en fonction du nombre de chromosomes, etc. Même chez les mammifèresmammifères, la testostérone, l'hormone mâle, est produite par des tissus sous le contrôle du chromosome X, en double exemplaire chez les femelles. » La question du genre ne peut donc se résumer à une histoire de programme génétiquegénétique.

    Selon Thierry Lodé, c'est même lors du stade subadultesubadulte, soit l'équivalent d'une partie de l'enfance et de la première partie de l'adolescenceadolescence, que le sexe se construit et s'accepte d'un point de vue social. Le petit garçon ou la petite fille doit admettre qu'il fait partie d'un certain genre. Et cela ne colle pas toujours avec les organes que son ADN lui a donnés. « Certains singes n'acceptent pas d'être mâles et se considèrent comme étant des femelles. Parfois, ils sont même acceptés comme tels au sein de leur groupe social. » Il en va de même pour des espèces plus éloignées de la nôtre, comme chez les mangoustes ou les goélands.

    Il n'existe pas deux individus strictement identiques dans la nature, même de vrais jumeaux ou des clonesclones. Cette variété biologique, accentuée par la reproduction sexuée, engendre une diversité des habitudes et des pratiques, laissant à chacun l'opportunité de s'exprimer selon ses désirs, aussi bien pour l'Homme que pour les animaux. Seule la morale propre à chaque espèce approuve ou réprouve des comportements. La nature, elle, n'en a aucune.