"La simulation de l'orgasme est l'un des grands tabous de la sexualité masculine"

"La simulation de l'orgasme est l'un des grands tabous de la sexualité masculine"

Getty Images

"Il m'est déjà arrivé plusieurs fois de faire l'amour de manière presque automatique et de faire semblant de parvenir à l'orgasme, confie Pierre, célibataire de 30 ans. Lors d'une soirée un peu trop arrosée l'année dernière, j'ai rencontré une fille avec laquelle j'ai eu une relation sexuelle le soir-même. Nous étions tous les deux fatigués et un peu ivres. Le rapport est rapidement devenu laborieux. Partant du principe qu'un rapport médiocre vaut parfois mieux qu'une longue conversation, j'ai fait semblant de jouir pour l'écourter. J'ai rapidement enlevé le préservatif et ma partenaire ne s'est rendu compte de rien", se souvient Pierre.

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Un plaisir qu'on ne peut pas convoquer à l'envie

"J'ai le sentiment que la plupart des femmes ont tendance à concevoir notre désir comme forcément inextinguible et nos orgasmes comme mécaniques, reprend-t-il. J'ai déjà eu des partenaires qui étaient persuadées qu'il y avait un problème si je ne semblais pas ressentir à chaque fois un plaisir intense lors de nos rapports, comme si elles en étaient personnellement responsables. Je ne les ai pas détrompées, mais ça n'est pas forcément le cas."

"On peut être amoureux, désirer profondément sa compagne et simuler le plaisir. Dans un rapport sexuel 'réussi', il y a un je-ne-sais-quoi difficile à définir et qu'on ne peut pas convoquer à l'envi. J'imagine qu'à des degrés divers, feindre l'orgasme fait partie des expériences de beaucoup d'hommes", soutient Pierre.

"Parfois, le corps dit oui mais la tête non"

"La simulation de l'orgasme est l'un des grands tabous de la sexualité masculine, constate le docteur Patrick Papazian, sexologue et auteur de Parlez-moi d'amour!, (éd. de l'Opportun). Dans l'imaginaire collectif, il est aisément admis que les femmes miment parfois le plaisir sans le ressentir. On conçoit beaucoup plus difficilement que les hommes puissent faire de même. Pourtant, cela arrive. C'est même assez courant", rassure le spécialiste.

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"Il y a plusieurs niveaux de simulation. Le premier concerne la manifestation du désir lui-même. On assimile de manière souvent systématiquement envie de faire l'amour et érection. Or, cette manifestation physique ne signifie pas forcément que le désir est présent, souligne Patrick Papazian. Cette dichotomie peut être délicate à comprendre et à accepter pour le ou la partenaire. Plutôt que d'expliquer, en essayant de ne pas vexer l'autre, que le corps dit oui mais la tête non, certains hommes préfèrent avoir une relation sexuelle."

"L'orgasme reste rétif à toute explication"

"Dans nos représentations, l'érection serait donc le signe indubitable du désir et l'éjaculation, le symbole incontestable du plaisir assouvi. En réalité, on peut tout à fait la simuler aussi, notamment en retirant rapidement le préservatif juste après un rapport protégé. Il arrive aussi que certains hommes feignent une intense montée de plaisir, à grand renfort de mouvements ou de râles, pour que leur partenaire jouisse. Excités, ils parviennent alors ensuite à l'orgasme. La simulation s'apparente alors presque à un jeu érotique entre amants", affirme Patrick Papazian.

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"L'orgasme reste profondément mystérieux, rétif à toute explication. Comme son pendant féminin, le plaisir masculin est subtil, changeant. Il connaît des hauts et des bas. Evidemment, ses manifestations physiques sont plus visibles, plus concrètes. Néanmoins, son intensité n'en est pas moins variable. Le véritable orgasme, plein, entier, n'est pas si fréquent que ça."

Une réflexion aux effets salvateurs

"Dans la vie, certains rapports sont extrêmement forts, d'autres très agréables, et certains simplement moyens, constate le sexologue. Ces fluctuations sont normales. Les hommes peuvent néanmoins apprendre à écouter plus intensément leurs sensations."

"Cette réflexion peut avoir des effets salvateurs pour le couple. Elle apporte de la profondeur à la vie sexuelle tant elle permet d'ouvrir le dialogue, d'échanger et de laisser parler le langage des corps pour mieux se comprendre. Au fond, savoir que les hommes aussi peuvent simuler est plutôt rassurant: cela montre que leur fonctionnement n'est pas aussi simple que les femmes se l'imaginent parfois", conclut Patrick Papazian.

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