Vie sexuelle à la ménopause : le moral joue plus que les hormones

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

8 décembre 2014

Washington, Etats-Unis – Chez les femmes de 40-50 ans, il y a bien un impact du taux d’hormones, notamment de testostérone, sur la libido. Mais une étude américaine publiée dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism montre que les facteurs psychosociaux tels que l’humeur ou la situation amoureuse sont en fait bien plus importants que les taux hormonaux.

« C’est la première fois qu’est établie, de manière si évidente, une association entre le taux d’hormones, en particulier la testostérone, et la fonction sexuelle » a indiqué l’un des auteurs de l’étude, le Dr John Randolph (University of Michigan School of Public Health, Ann Arbor, Etats-Unis), à Medscape. Mais, selon lui, l’effet des hormones est finalement « assez modeste ».

La masturbation prise en compte

Les troubles de la fonction sexuelle apparaissant chez la femme après la ménopause sont souvent attribués à une chute du niveau d’hormones stéroïdiennes. Pourtant, peu de données permettent d’attester clairement cette relation, soulignent les auteurs.

Pour évaluer l’impact des hormones sur la vie sexuelle, mais aussi celui des facteurs psychosociaux, l’équipe dirigée par le Dr Sioban Harlow, a repris les données de l’étude américaine SWAN (Study of Women’s health Around the Nation), qui a inclus 3300 femmes après leur ménopause et les a suivies pendant dix ans.

Lors de l’inclusion, ces femmes étaient âgées de 42 à 52 ans. Elles présentaient un utérus intact, au moins un ovaire et n’avaient pas recours à un traitement hormonal substitutif ou tout autre traitement affectant la fonction ovarienne.

Leur sexualité a été évaluée par auto-questionnaire lors de la première visite, puis une fois par an pendant dix ans. A chaque consultation, une prise de sang était effectuée pour un dosage de la testostérone sérique, de l’estradiol, de l’hormone folliculo-stimulante (FSH), de la déhydroépiandrostérone (DHEA), ainsi que des globulines se fixant aux hormones sexuelles (SHBG).

Pour évaluer la fonction sexuelle, les participantes ont été interrogées sur le désir ressenti au cours des six derniers mois, le degré d’excitation pendant le rapport sexuel, la capacité à obtenir un orgasme ou la présence de douleurs pendant la pénétration. Originalité de l’étude: elles ont également été interrogées sur la pratique de la masturbation.

La FSH meilleur marqueur que l’estradiol

Au cours de ces dix années de suivi, le désir a été le critère qui a le plus décliné, rapporte l’étude. La part des femmes ressentant un désir sexuel au moins une fois par semaine est ainsi passée de 58,4%, lors de l’inclusion, à 35% à la fin de l’étude.

Les variations concernant la fréquence des masturbations, le degré d’excitation et la capacité à avoir un orgasme étaient en revanche moins marquées. Si la moitié des femmes (49,4%) déclaraient en début d’étude s’adonner au plaisir solitaire, elles étaient encore 43,8% au bout de dix ans. De même, près de deux femmes sur trois (61,1%) rapportaient une excitation pendant un rapport sexuel.

Il existe une corrélation avec les taux d’hormones, essentiellement avec la testostérone. Ainsi, un niveau plus élevé de cette hormone augmente la fréquence des masturbations, le désir sexuel et l’excitation. Un résultat qui confirme le statut de la testostérone, considérée comme l’hormone du désir féminin.

A l’inverse, la FSH limite la pratique de la masturbation, l’excitation sexuelle et l’orgasme. Aucune corrélation n’a été observée avec l’estradiol. Un résultat qui amène les chercheurs à suggérer la FSH plutôt que l’estradiol pour évaluer la répercussion hormonale sur la vie sexuelle en post-ménopause.

En ce qui concerne la testostérone, les chercheurs se montrent réservés sur son intérêt en post-ménopause. Les niveaux de cette hormone étant très faibles chez les femmes, il est difficile d’obtenir des valeurs précises et fiables, sans compter qu’il existe une grande variabilité d’une femme à une autre, rappelle le Dr Randolph.

Mises en garde sur la testostérone

Certaines études ont suggéré les bénéfices d’un traitement par testostérone pour améliorer la fonction sexuelle, en stimulant la libido chez les femmes ayant eu une ablation des ovaires, mais ses effets à long terme sur la santé sont encore méconnus.

« Lorsqu’une femme consulte pour évoquer des difficultés dans sa vie sexuelle, il faut d’abord évaluer son moral et vérifier si sa relation amoureuse est satisfaisante » -- Dr John Randolph

Dans son guide des bonnes pratiques, la Société américaine d’endocrinologie met en garde sur la prescription de testostérone chez les femmes en bonne santé. De plus amples recherches sont, selon elle, nécessaires pour s’assurer que son utilisation est sûre.

Pour le Dr John Randolph, vérifier l’implication des hormones en cas de troubles de la fonction sexuelle n’est pas la priorité. « Lorsqu’une femme consulte pour évoquer des difficultés dans sa vie sexuelle, il faut d’abord évaluer son moral et vérifier si sa relation amoureuse est satisfaisante », conseille le médecin.

Il convient également, selon lui, de tenir compte des traitements en cours. « Avant d’aborder la question de la testostérone, il est nécessaire de vérifier si la patiente n’est pas sous antidépresseurs, ce qui peut être à l’origine d’une dégradation de la vie sexuelle ».

Le sujet de la masturbation peut aussi aider à mieux cerner les causes d’une sexualité insatisfaisante, puisqu’elle écarte la dimension conjugale. « La question doit pouvoir être abordée sans appréhension par les médecins », les femmes étant déjà dans une démarche pour parler de leur sexualité, estime le Dr Randolph.

« Toute femme qui rencontre des difficultés dans sa vie sexuelle devrait tout d’abord se focaliser sur d’autres facteurs [que les hormones], sa situation amoureuse étant le facteur numéro un lorsqu’il s’agit d’évaluer la fonction sexuelle », conclut le chercheur.

REFERENCE :

  1. Randolph J, Zheng H, Avis N, Masturbation frequency and sexual function domains are associated with serum reproductive hormone levels across the menopausal transition, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, publication en ligne du 20 novembre 2014.

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