Moscou, capitale internationale du sida ? C’est en tout cas dans la capitale russe que doit se tenir, du 23 au 25 mars, la cinquième conférence sur le VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale. Un rendez-vous important. Cette région est en effet l’une des seules au monde où l’épidémie continue d’avancer, notamment en Russie et en Ukraine, où se concentrent 85 % des cas de séropositivité.

Mais le choix de Moscou ne fait pas l’unanimité. « Cette conférence ne devrait pas se tenir dans un pays où les lois combattent tout ce qui doit être fait pour lutter contre le VIH avec humanité et efficacité », écrivent plusieurs ONG dans une lettre ouverte, adressée en octobre à l’Onusida, co-organisateur de la conférence.

Le problème des traitements de substitution pour la drogue

Ces ONG déplorent que les usagers de drogues prenant des traitements de substitution ne puissent participer à la conférence, ces traitements étant interdits en Russie. « N’oublions pas que, depuis la fermeture (en 2014) des programmes de substitution en Crimée sur décision des officiels russes, plus de 100 usagers sont morts », soulignent ces associations.

Le patron de l’Onusida, Michel Sidibé, a répondu qu’aucun sujet ne serait évité lors de la conférence. « Nous espérons qu’elle sera un forum, permettant aux nombreux pays qui ont des programmes de substitution de faire part de leur expérience, y compris aux représentants de la fédération de Russie », indique-t-il dans un courrier de janvier.

30 % de nouvelles infections entre 2000 et 2014

Cela fait maintenant plusieurs années que l’épidémie en Europe de l’Est est au cœur des grandes conférences internationales sur le sida. Avec des prises de position où il est autant question de médecine que de politique ou de droits de l’homme.

Sur un plan épidémiologique, la situation n’a pourtant rien de comparable avec ce qui se passe sur le continent africain. Fin 2014, 25 millions de personnes vivaient avec le VIH en Afrique subsaharienne, contre 1,5 million de personnes en Europe de l’Est et en Asie centrale.

Mais en Afrique, la dynamique de l’épidémie est à la baisse puisque les nouvelles infections ont chuté de 41 % entre 2000 et 2014, alors qu’en Europe de l’Est, le VIH ne cesse de flamber avec une hausse de 30 % des nouvelles infections sur la même période.

Une épidémie chez les usagers de drogue

Les militants anti-sida enragent, car cette épidémie aurait pu être enrayée très tôt. Dans la région, le VIH a commencé à se propager à la fin des années 1980, principalement chez les usagers de drogues.

À une époque où, scientifiquement, il existait déjà de nombreuses preuves de l’efficacité de la réduction du risque chez les usagers de drogue, avec deux grands axes : la mise à disposition de seringues propres et la délivrance de traitements de substitution (méthadone et buprénorphine) pour aider les toxicomanes à décrocher peu à peu de l’héroïne.

« La politique l’a emporté sur la science »

« Mais la Russie a toujours refusé ces solutions pour appliquer une politique ultra-sécuritaire de pénalisation des usagers de drogue », souligne Fred Bladou, de l’association française Aides.

Une politique désormais appliquée dans les territoires conquis par la Russie en Ukraine. « La politique l’a emporté sur la science », tempêtait le professeur Michel Kazatchkine, envoyé spécial des Nations unies pour le sida en Europe de l’Est, après la fermeture des programmes de substitution en Crimée en mai 2014.