Comment se débarrasser du psoriasis génital ?

Publié par Sylvie Dellus  |  Mis à jour le par Mathilde Pujol

En collaboration avec Dr Marc Perrussel (Dermatologue)

Les patients ont souvent honte de parler des plaques de psoriasis qui affectent la zone génitale. Les démangeaisons et les brûlures peuvent gêner la vie sexuelle. Pourtant, les traitements sont efficaces là aussi. Comment reconnaître un psoriasis au niveau du pénis ou de la vulve ? Quels sont les traitements ? Réponses du Dr Marc Perrussel, vice-président du Syndicat national des dermatologues.

Le psoriasis est une maladie inflammatoire qui se développe chez des personnes prédisposées génétiquement. Lors d’une poussée, la peau s’épaissit à certains endroits et devient rouge.

L’apparition de ces plaques résulte d’un emballement du système immunitaire. En réaction à une agression (infection bactérienne ou virale, stress…), les lymphocytes, des cellules immunitaires, deviennent hyperactifs. Ils vont alors stimuler de manière excessive les cellules de la peau. « Au lieu de se renouveler en 28 jours, elles vont le faire en deux semaines », explique le Dr Marc Perrussel, vice-président du Syndicat national des dermatologues et responsable d’une consultation spécialisée au CHU de Rennes.

On ne sait pas expliquer pourquoi le psoriasis s’exprime à tel endroit plutôt qu’à tel autre. Différentes hypothèses sont avancées, selon le dermatologue : « au niveau du cuir chevelu, la prolifération bactérienne locale due à la transpiration pourrait être une explication. À d’autres endroits (coudes, genoux, ceinture…), des frottements pourraient expliquer l’apparition de plaques ».

Une chose est sûre : le psoriasis n’est pas une maladie contagieuse, contrairement à une idée reçue encore bien ancrée aujourd’hui.

Comment reconnaître un psoriasis génital ?

Chez l’homme comme chez la femme, l’atteinte des organes génitaux est plus fréquente qu’on ne croit.

30 à 40 % des psoriasis cutanés ont une atteinte génitale. Mais elle n’est pas forcément avouée par les patients. Le praticien doit systématiquement poser la question, observe le Dr Perrussel, vice-président du Syndicat national des dermatologues et responsable d’une consultation spécialisée au CHU de Rennes.

Chez l’homme, le psoriasis génital atteint la verge, le gland, le scrotum ou les plis inguinaux

« Les lésions peuvent être situées sur la verge, le scrotum ou les plis inguinaux (ou plis de l’aine, situés en haut des cuisses) », explique l’Association France Psoriasis (source 1). « L’atteinte du scrotum ou du gland chez l’homme circoncis se caractérise par une inflammation (rougeur ou érythème) et des squames. Au contraire, chez l’homme non circoncis et dans les plis inguinaux, on n’observe fréquemment qu’une rougeur, les squames typiques du psoriasis étant absentes du fait de l’humidité locale. Des démangeaisons(prurit), une sensation de brûlure voire des douleurs sont parfois présentes ».

Chez la femme, le psoriasis vulvaire atteint le pubis et les grandes lèvres (ou les petites lèvres)

« Le psoriasis vulvaire représente 2 % des motifs de consultation en pathologie vulvaire ; c’est aussi la 3e cause de consultation pour atteinte vulvaire chez la fillette après l’eczéma et le lichen scléreux », rappelle France Psoriasis (Source 2). Il existe plusieurs types de psoriasis vulvaire : la forme la plus connue est le psoriasis dit « inversé », qui atteint les plis de la racine des cuisses en réalisant des placards inflammatoires (rouges), à bordures nettes, peu ou pas du tout squameux contrairement aux plaques de la peau qui desquament ».

« Le psoriasis peut se localiser aussi aux zones pileuses de la vulve (pubis et grandes lèvres) », ajoute l’association. « Il est alors très souvent prurigineux (démangeaisons) et le grattage chronique entretient lui-même le psoriasis ».

Le psoriasis vulvaire peut aussi se localiser aux petites lèvres, toujours sous la forme d’une plaque rouge.

Mycose ou psoriasis ?

Oser en parler est d’autant plus important que, chez la femme en particulier, le psoriasis génital peut être confondu avec une mycose. Le risque, pour la patiente, serait de ne pas bénéficier du bon traitement.

Le psoriasis, une maladie qui se déclare à tout âge

Quelle que soit sa forme, le psoriasis évolue de manière très variable d’une personne à l’autre, avec une alternance de poussées imprévisibles et de périodes de rémission plus ou moins longues. La maladie peut survenir à tout âge, chez un bébé ou un adulte, « à 7 jours comme à 77 ans », dit le Pr Perrussel.

Lorsqu’elle se déclare chez un jeune adulte, il faut surveiller le risque sous-jacent de maladie inflammatoire chronique de l’intestin, les deux pathologies résultant d’une inflammation chronique.

Lorsque le psoriasis se manifeste chez un quadragénaire, il est parfois associé à un syndrome métabolique (un surpoids cumulé à un risque de diabète, d’hypertension artérielle, de dyslipidémie…). Là aussi, l’inflammation est le point commun. Ces patients doivent être étroitement surveillés car ils ont un risque accru de maladie cardiovasculaire, surtout en l’absence de traitement.

Un an d’évolution d’un psoriasis grave augmente de 1 % le risque d’accident vasculaire cérébral, souligne le Dr Perrussel.

Psoriasis : un diagnostic assez simple

Dans 95 % des cas, l’examen clinique de la peau suffit à poser le diagnostic de psoriasis. « En cas de doute, on effectue un prélèvement et une biopsie cutanée », précise le Dr Perrussel.

À partir de là, la maladie est classée en différents stades : psoriasis léger, modéré ou sévère. La gravité est jugée en fonction de plusieurs critères, à commencer par la surface de peau touchée. Si le psoriasis s’étend sur plus de 10 % du corps, il est considéré comme sévère (par comparaison, la paume de la main ne représente que 1 % du corps).

Le dermatologue tient compte également du retentissement de la maladie sur la qualité de vie du patient. Est-ce qu’il est déprimé ? Est-ce qu’il n’ose plus se montrer ? Est-il gêné dans sa vie sexuelle ?

Autre indice : le temps consacré à se traiter. « Plus de dix minutes par jour, c’est un critère de gravité », estime le Dr Perrussel.

Comment soigner le psoriasis du pénis ou de la vulve ?

Si le psoriasis se développe sur la vulve ou le pénis, le traitement est adapté en fonction du degré de sévérité. L’arsenal thérapeutique est très vaste. Si une molécule ne marche pas, on en essaie une autre.

Le psoriasis est une maladie qu’on peut soigner, même si on ne peut pas la guérir, rappelle le dermatologue.

L’hydratation, à la base du traitement

Avant toute chose, il faut éviter que la peau se dessèche, l’irritation favorisant l’apparition de plaques. « L’hydratation est le premier traitement de la maladie », souligne le dermatologue qui recommande l’utilisation quotidienne de crèmes spéciales « peau sèche » ou des bains hydratants, deux fois par semaine, dans lesquels on jette « une ou deux poignées d’amidon de blé ou de maïs ».

Des traitements locaux

Pour un psoriasis léger, des corticoïdes locaux ou des produits associant de la vitamine D et un dermocorticoïde peuvent être appliqués sur les plaques au niveau génital. « Ces produits donnent de très bons résultats. Il faut les utiliser en traitement d’attaque pour éliminer les plaques ; puis deux fois par semaine en traitement d’entretien, à vie », précise le dermatologue.

La puvathérapie (traitement à base de rayons ultraviolets) n’est pas indiquée sur les organes sexuels

Des traitements systémiques

Différentes possibilités existent pour soigner un psoriasis plus étendu :

1. Les rétinoïdes

Le plus connu d’entre eux est commercialisé sous le nom de Soriatane. Ce médicament limite le renouvellement excessif des cellules cutanées et affine la peau. Il est efficace, mais au prix d’effets secondaires importants. Il est, en particulier, toxique chez la femme enceinte et ne doit jamais être prescrit aux femmes en âge de procréer.

2. Le méthotrexate

« C’est aujourd’hui le traitement de référence dans le psoriasis. Il est prescrit à dose anti-inflammatoire », explique le Dr Perrussel. Le médicament se prend soit en comprimé, soit par voie injectable, une fois par semaine. Les patients doivent être suivis sur le plan biologique, par des prises de sang régulières, afin de vérifier qu’ils ne développent pas d’effets secondaires en particulier au niveau du foie. « Si le méthotrexate reste sans effet au bout de trois mois, il faut changer de traitement », précise le dermatologue.

3. La ciclosporine

Ce médicament, connu comme immunosuppresseur (anti-rejet) après une greffe d’organes, est également actif dans le psoriasis. « On obtient très rapidement un blanchiment de la peau, c’est-à-dire une disparition des plaques », estime le Dr Perrussel. La ciclosporine est prescrite en situation d’urgence pour faire face à une forte poussée de psoriasis ou en cas de grossesse, sans risque pour le fœtus.

Là encore, il faut surveiller l’apparition d’éventuels effets secondaires, en particulier un risque d’hypertension artérielle et d’insuffisance rénale. Tous les mois, une mesure de la pression artérielle et un dosage sanguin de la créatinine doivent être effectués.

Pour limiter les risques, la ciclosporine ne doit pas être prescrite plus de deux ans en continu.

4. L’apremilast

Vendu sous le nom d’Otezla, il se prend en comprimés. Il calme efficacement l’inflammation de la peau. « Il réduit de 50 % la gravité du psoriasis », constate le dermatologue. Mais cette molécule a des effets indésirables (perte de poids importante, diarrhée, dépression…). Elle ne peut être prescrite qu’après échec d’au moins un autre traitement systémique.

Les biothérapies

Ces molécules ont changé la vie des patients souffrant d’un psoriasis très étendu. Elles ciblent un mécanisme particulier de la maladie : l’hyperactivité des lymphocytes qui mène au renouvellement excessif de la peau.

Il existe plusieurs médicaments de biothérapie, chacun agissant sur des médiateurs particuliers : anti-TNF alpha, anti-IL12, anti-IL23 ou anti-IL 17. « Ces molécules améliorent le psoriasis de 75 % à 100 %. Ces médicaments, qui ne peuvent être prescrits qu’à l’hôpital, sont administrés par injection, en ambulatoire, à un rythme qui varie d’une semaine à trois mois », précise le dermatologue. Ce type de traitement est réservé aux cas graves, après échec de deux traitements systémiques classiques (rétinoïdes, méthotrexate, ciclosporine…).

Ces biothérapies sont des immunomodulateurs, ce qui signifie qu’elles modifient les défenses immunitaires de l’organisme. Sous traitement, les patients deviennent donc plus sensibles aux infections. Il leur est recommandé, par précaution, de se faire vacciner contre la grippe et le pneumocoque.

Pas plus de risque de Covid-19 sous biothérapie

Dans le contexte épidémique actuel, on pouvait craindre que les patients sous biothérapie soient exposés à un risque supplémentaire de Covid-19. Heureusement, il n’en est rien. Des études ont montré que, non seulement les patients ne sont pas plus fréquemment infectés par le coronavirus, mais ils ne développent pas davantage de formes graves. Conclusion du Dr Perrussel : « il ne faut surtout pas arrêter son traitement ! ».

Bien vivre avec son psoriasis génital

Les traitements apportent une aide précieuse, mais il est très important aussi que les patients acceptent leur maladie et apprennent à vivre avec dès le plus jeune âge.

En parallèle, en cas de psoriasis, des conseils simples permettent de mieux supporter la maladie, au quotidien et de préserver la muqueuse hypersensible de la zone génitale :

  • Porter des vêtements amples pour éviter les frottements sur la peau ;
  • Éviter les déodorants à base d’alcool et les produits de toilette parfumés qui peuvent être irritants ;
  • Se laver avec un savon surgras.

Le psoriasis peut-il provoquer des troubles sexuels ?

« Des troubles sexuels sont présents, à différents degrés, chez 25 à 70 % des patients atteints de psoriasis, et sont plus fréquents en cas d’atteinte génitale », répond France Psoriasis. « Ces troubles peuvent affecter la libido, l’érection (impuissance), ou l’éjaculation. Après avoir éliminé une cause organique autre que le psoriasis (trouble hormonal, neurologique ou vasculaire), un traitement (médicaments ou psychothérapie) peut être envisagé ».

Faut-il éviter les rapports avec pénétration en période d’inflammation ?

« Théoriquement non, puisqu’il n’existe pas de vaginite (inflammation du vagin) au cours du psoriasis. Mais le rapport peut être douloureux s’il existe des fissures ou une inflammation très importante », indique France Psoriasis.

À savoir

Le réseau de dermatologues Resopso propose des informations détaillées et les dernières actualités concernant la maladie. À découvrir sur son site.