Vingt ans après son arrivée sur le marché, le condom féminin demeure le grand mal-aimé des méthodes de contraception. Or, l'arrivée imminente de préservatifs plus attrayants et plus faciles d'utilisation pourrait changer la donne. C'est ce que souhaitent les fabricants, bien sûr, et les intervenants en santé sexuelle. Bientôt en vogue, le condom féminin?

Le condom féminin est partout boudé, voire ridiculisé. Plus ample que le condom masculin, on le qualifie de montgolfière, de manche à air ou de vulgaire sac-poubelle. Des plaisanteries qui n'aident en rien à lui faire bonne réputation.

En 2007, à peine 26 millions de préservatifs féminins ont été distribués dans le monde, contre 11 milliards de condoms masculins, rapporte la Société canadienne du sida. En fait, les condoms féminins ne comptent que pour 0,2% du marché mondial des préservatifs. Et 90% des stocks sont distribués par des ONG dans des régions du globe où le sida est endémique, notamment en Afrique subsaharienne où les femmes sont touchées de façon disproportionnée.

Jusqu'à maintenant, un seul préservatif féminin porte le sceau de la Food and Drug Administration aux États-Unis. C'est celui que l'on trouve au Canada. Commercialisé sous le nom de Reality ou FC2 (Fémidom en Europe), il est fabriqué par la société Female Health Company et distribué dans 138 pays. Fait de caoutchouc nitrile (synthétique) et muni d'anneaux flexibles de polyuréthane à ses extrémités, il peut être inséré jusqu'à 24 heures avant un rapport sexuel.

On connaît peu le préservatif féminin. Pourtant, il est à ce jour «le seul moyen de contraception mécanique sur le marché dont la femme a la maîtrise» et «qui protège à la fois contre la grossesse et contre les ITS, dont le VIH, lorsqu'il est utilisé correctement à chaque rapport sexuel», indique l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le condom féminin, dont l'extrémité extérieure est un anneau qui couvre la zone labiale, pourrait même «être plus efficace que le condom masculin pour prévenir les ITS transmises par les contacts de peau à peau», indique-t-on sur Catie, un site canadien de renseignements sur le VIH et l'hépatite C. Mieux encore: le plaisir ne serait en rien compromis.

«Les études menées dans des pays et des contextes socioculturels divers montrent qu'en moyenne 50% à 70% des participants hommes et femmes sont favorables au préservatif féminin», indique l'OMS dans son document Le préservatif féminin: Guide pour planifier et mettre en place les programmes. Ce condom «n'interrompt pas l'acte sexuel et rappelle plus les sensations de l'acte sexuel non protégé», selon les commentaires obtenus.

Peu apprécié

Malgré ses avantages, la mise en marché du condom féminin s'est soldée par un échec cuisant. Même l'actrice Drew Barrymore, embauchée comme porte-parole en 1996, n'a pas réussi à répandre la bonne nouvelle. Au Québec comme ailleurs, les femmes n'y adhèrent pas. «C'est un mode de contraception qui est assez peu utilisé ici. Souvent, ce n'est pas un premier choix. Il s'agit par exemple d'une solution intéressante lorsqu'un des deux partenaires est allergique au latex», dit Edith Guilbert, médecin-conseil à l'Institut national de santé publique du Québec et porte-parole pour la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.

Comment expliquer cet insuccès? D'une part, le préservatif féminin est dispendieux. Selon les pays, il est de 4 à 20 fois (!) plus cher que son pendant masculin. Sur un site d'achats en ligne canadien, nous avons trouvé un paquet de trois condoms FC2 pour 10$... et des boîtes de douze condoms pour hommes vendus à 7,69 $ et 8,49 $. Et que dire de l'accès au FC2? On ne le trouve pas au dépanneur du coin, ni sur les tablettes de toutes les pharmacies. «On peut toujours le commander sur l'internet ou à sa pharmacie», souligne néanmoins la Dre Guilbert.

Parce qu'il faut l'insérer correctement au fond du vagin, l'utilisation du condom féminin requiert davantage de technique. Il présente aussi certaines caractéristiques qui se marient difficilement avec les notions d'érotisme. «Selon ce qui est rapporté dans la littérature, l'anneau extérieur fait «squish, squish». Il n'est pas très esthétique et, à moins d'éteindre les lumières, ça peut être dérangeant», souligne la Dre Guilbert.

Au Centre de santé des femmes de Montréal, on a peu à peu cessé de présenter le condom féminin dans les ateliers d'information sur la contraception. «Je vais être franche, le condom féminin était à un moment devenu indisponible. Depuis, je n'en ai pas trop entendu parler, et les femmes ne posent pas de questions là-dessus, dit la directrice Anne-Marie Messier. Les femmes n'aimaient pas l'utiliser. Honnêtement, personne ici n'a pleuré quand il est tombé dans l'oubli.»

Répondre aux attentes

Attentifs à ce lot de critiques négatives, des entrepreneurs ont saisi la balle au bond et ont créé des préservatifs susceptibles de plaire davantage. C'est ainsi que le condom Origami, conçu à Los Angeles par Danny Resnic et son équipe, devrait être offert dès le début de 2015 d'abord en Europe où le produit est en attente d'homologation.

«Le condom FC1 et sa nouvelle version, le FC2, ressemblent à des sacs de plastique et sont très mal reçus, indique Danny Resnic, président de l'entreprise Origami Healthcare Products. Les consommatrices le boudent depuis le début. Il y avait grande place à l'amélioration, alors on a tenté de relever le défi. On offrira une solution de rechange innovatrice et, au bout du compte, moins coûteuse.» Il bosse sur le projet depuis plus de 15 ans. Lui-même a contracté le VIH en 1993 lors d'une rupture de condom.

Le préservatif Origami, fait de silicone, est résistant et réutilisable. «Il coûtera un tiers moins cher que le condom féminin actuellement sur le marché, dit-il. Il est plus facile à manipuler, à insérer et il est dessiné de façon à épouser les courbes naturelles de l'anatomie féminine. Il ne pend pas à l'extérieur du vagin.» L'Origami s'ouvre tel un accordéon et procure des sensations inégalées, assure-t-il. «On mise avant tout sur le plaisir, sans négliger la sécurité.»

Selon les essais cliniques menés pour l'entreprise à San Francisco, 67% des femmes préfèrent le condom Origami au FC2. «En offrant un produit radicalement amélioré, je pense que les femmes seront beaucoup plus nombreuses à adopter cette méthode de contraception.»

À la Fédération du Québec du planning des naissances, on salue l'arrivée prochaine d'un condom féminin redessiné. «Je crois qu'un travail de design et d'image peut aider à faire connaître cette méthode de contraception méconnue et à répandre son utilisation, affirme la directrice générale Sophie De Cordes. C'est aux femmes de choisir ce qui leur convient le mieux. Le condom féminin est intéressant parce qu'il est sous le contrôle de la femme. La récupération du pouvoir et la connaissance de son corps sont pour nous des enjeux importants.»

«Si un nouveau condom amélioré apparaît, nous le proposerons assurément. Il y aura des intéressées pour l'essayer, dit Anne-Marie Tessier, du Centre de santé des femmes de Montréal. Dans certains couples, il est difficile d'exiger du partenaire le port du condom. Si la femme prend la responsabilité de l'installation, ça peut sûrement faciliter les choses.»

La docteure Edith Guilbert est d'avis que, si l'innovation est au rendez-vous, il y aura un regain d'intérêt pour le condom féminin. Néanmoins, on ne doit pas s'attendre à ce qu'il déloge la traditionnelle capote! «L'important, c'est de proposer une variété de méthodes. C'est faux de penser que tout le monde peut utiliser la même chose. La vie reproductive est longue - il faut pouvoir changer de méthodes et avoir des options L'arrivée d'une nouvelle méthode de contraception efficace est toujours positive.»