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"Plan cul", la nouvelle sexualité des jeunes

Dans "Sex Friends", Ashton Kutcher et Natalie Portman s'adonnent à la pratique du sexe, pour le plaisir et sans lendemain
Dans "Sex Friends", Ashton Kutcher et Natalie Portman s'adonnent à la pratique du sexe, pour le plaisir et sans lendemain Photo Paramount Pictures France

Cette pratique sexuelle controversée serait en réalité une façon de s’affirmer et de faire de belles rencontres. À la seule condition, paradoxale, de ne pas en parler et d’être un garçon.

Le livre de Jean-François Bayart, Le Plan cul - Ethnologie d'une pratique sexuelle (Éd. Fayard) a déjà trouvé un écho retentissant dans les médias depuis sa sortie début mai. Tout d'abord parce que l'auteur est un éminent chercheur au CNRS. Ensuite car il invite à repenser les normes de notre société à travers le prisme d'une pratique sexuelle, non pas à la stigmatiser comme bon nombre de spécialistes l'ont fait avant lui. À travers l'étude de cette forme de sexualité, Jean-François Bayart dresse le portrait d'une jeunesse qui cherche des repères familiaux et sentimentaux. Le " plan cul " n'est pas qu'une coucherie d'un soir. Ce serait aussi une manière de s'affirmer, de revendiquer sa liberté et pourquoi pas, de faire une belle rencontre.

" Le plan cul est un moment dédié à la pratique du sexe, qui ne trouve sa justification que dans la recherche du plaisir, abstraite de toute considération affective sans qu'elle l'exclue nécessairement et qui est largement déconnecté des autres domaines de la vie. " C'est ainsi que Jean-François Bayart définit ce fameux " plan cul ". Plus simplement, c'est un rendez-vous entre deux individus qui ont pour seul et unique but la recherche du plaisir charnel. Loin d'être synonyme de faiblesse, de détresse émotionnelle ou caractéristique d'un rite de passage imposé, ce type de relation serait représentatif d'un style de vie, bien qu'encore controversé. C'est à travers les interviews de Grégoire et d'Hector et de leur relation au " plan cul ", que l'auteur propose de redéfinir une pratique à la fois banalisée et décriée, connue mais dissimulée.

Le " plan cul ", un plan de vie

En France, le sexe est à la fois omniprésent et dissimulé, banalisé et dramatisé, méprisé et apprécié. Un constat simple mais qui n'en demeure pas moins l'illustration d'un phénomène éminent : l'irruption dans l'espace public de l'intimité. Difficile alors de faire la part des choses. Que dévoiler, que taire de son intimité ? Et lorsque l'on prend le parti d'en parler, il est souvent question de performance et de vie sexuelle épanouie. Impossible donc, d'avouer avoir des difficultés sexuelles. Qu'en est-il alors de ceux qui, comme Grégoire, ne parviennent pas à définir leur orientation sexuelle ? Il a finalement trouvé dans le " plan cul ", un certain réconfort. Pour le jeune homme, pas toujours à l'aise avec son corps, il vit comme un progrès sa nouvelle capacité à " faire l'amour sans avoir de relation amoureuse " et admet que c'est un moyen de faire son éducation sexuelle. Il souligne même la " tolérance commune " qui préside à ce type de rencontres et les rend " assez agréables ".

Dans « Sex Friends », tout commence par un plan cul pour Natalie Portman et Ashton Kutcher.
Dans "Sex Friends", tout commence par un plan cul pour Natalie Portman et Ashton Kutcher. Photo Paramount Pictures France

Il mène deux vies parallèles

Plan cul
Plan cul Photo Image Source / Getty Images

Hector, lui, se définit comme bisexuel mais n'a jamais fait son coming-out vis-à-vis de sa famille, de ses amis ni même de sa " copine ". Le sexe constitue en soi une dimension de sa vie et il s'y adonne volontiers avec des filles comme avec des garçons, pour un soir. La sphère du sexe semble coïncider avec sa vie affective mais aussi s'en détacher. Telle est peut-être la définition du mode de vie d'un jeune Français du XXIe siècle.

Grégoire et Hector vivent leur quotidien comme des " plans " successifs voire concomitants. Plan bouffe, plan bar, plan sport…, autant d'articulations qui les font vivre par séquences. Et le " plan cul " est devenu l'une d'elle, une manière d'exister par sensations, par plans. Mais, contrairement à un diner entre amis, le " plan cul " reste largement controversé.

Une dissimulation nécessaire

" Peut-être que je suis en train de comprendre que c'est mieux de faire l'amour avec quelqu'un qu'on aime, mais cela peut être dissocié ", avance Grégoire. Une dissociation que les deux jeunes hommes parviennent aisément à établir. Mais pas question d'en parler à leur entourage. Hector, par exemple, n'a jamais parlé à personne, ni même à ses meilleurs amis, de certaines de ses pratiques sexuelles, encore moins de ses aventures avec des hommes. Il mène finalement deux vies parallèles. Cela n'empêche pas le jeune homme d'être épanoui. Pourtant, subsiste ce principe de dissimulation, d'" honnête dissimulation ". On tait encore cette pratique parce qu'elle ne correspond pas aux normes véhiculées par la société ou au schéma familial dominant. Et Grégoire d'acquiescer : " Ce ne serait pas m'aider que d'assumer une sexualité qui reste controversée ".
Par leurs pratiques, Hector et Grégoire nous dévoilent donc une part de rébellion qui échappe au débat public. Et surtout, une manière étonnante d'échanger et d'établir des liens.

Créer du lien, transformer l'érotisme en sentiment

Le " plan cul " s'affirme donc comme la production d'un style de vie. Les deux garçons évoquent même des moments de communication privilégiés : " quand tu vois quelqu'un que tu ne connais pas très bien mais qu'il n'y a plus de barrières. " Ainsi, le plan cul permettrait à des individus qui ne se seraient jamais rencontrés autrement, de nouer des relations intenses, particulièrement intimes, d'échanger du plaisir, voire de transformer de l'érotisme en sentiment. Mais cette production de lien social ne semble être possible qu'à la condition que la pratique soit " tue, ou rendue très euphémique par l'humour, la métaphore, l'allusion ou le sous-entendu ". Autrement dit, à condition qu'elle reste secrète, suggérée tout au plus. Symbole d'une conquête de liberté, il permettrait également de faire de belles rencontres, et pourquoi pas de tomber amoureux. Mais l'expérience semble étrangement réservée aux hommes.

Une conquête de liberté

Où sont les femmes ?

Qu'en est-il, en effet, des filles ? N'ont-elles pas le droit de s'adonner à une telle conduite ? À l'image de Grégoire qui ne conçoit des plans cul qu'avec des mecs parce que ses relations avec les filles sont " spirituelles ", plus " platoniques ", parce qu'il éprouve " des sentiments plus forts pour une fille que pour un mec ". Certes, mais cela suffit-il à évincer le plaisir féminin du débat ?
Comme l'auteur n'envisage pas la sexualité sous le prisme féminin, on pourrait se méprendre sur la portée de son discours. Car les femmes aussi ont droit à la conquête de leur liberté et à la préservation de ce jardin secret invoqué par Grégoire et Hector. Sans que le " plan cul " ne devienne un prétexte à la tromperie et à l'infidélité.

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