Une nouvelle étude clarifie les conditions dans lesquelles le VIH est entré aux États-Unis. Ses conclusions discréditent le mythe selon lequel un seul homme, le « patient zéro », a causé l’épidémie de Sida en Amérique du Nord.

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    En 1982, alors que le Centre pour le contrôle et la préventionprévention des maladies (CDC) étudiait en Californie l'explosion des cas de sarcomes de Kaposi chez des homosexuelshomosexuels, trois hommes ont signalé avoir eu des relations sexuelles avec la même personne : un steward québécois appelé Gaëtan Dugas, qui était lui aussi soigné à New York pour un sarcome de Kaposi. Avec son aide, les scientifiques ont fait le lien entre la maladie et la transmission sexuelle. Dugas, décédé en 1984, a été désigné comme le « patient zéropatient zéro », et, suite à des incompréhensions du public et des médias, injustement considéré comme la personne qui avait apporté le VIH aux États-Unis.

    Mais voici qu'un article paru dans Nature l'innocente définitivement. Une équipe de l'université de Cambridge, au Royaume-Uni, et de l'université de l'Arizona voulait mieux comprendre l'arrivée du VIH aux États-Unis.

    Les chercheurs ont récupéré plus de 2.000 échantillons de sang provenant d'hommes testés en 1978 et 1979 pour l'hépatite B. Ils ont ainsi pu séquencer le VIH dans huit échantillons : trois provenant de San Francisco et cinq de la ville de New York. Ces huit séquences font partie des neuf séquences les plus anciennes de VIH-1 du groupe M à ce jour.

    Le sarcome de Kaposi, un cancer de la peau, est lié à l’herpèsvirus humain HHV8. Il se développe souvent chez les individus immunodéprimés à cause de la maladie Sida. © Kateryna Kon, Shutterstock

    Le sarcome de Kaposi, un cancer de la peau, est lié à l’herpèsvirus humain HHV8. Il se développe souvent chez les individus immunodéprimés à cause de la maladie Sida. © Kateryna Kon, Shutterstock

    Des séquences de VIH similaires à celles des Caraïbes

    L'analyse des séquences montre que les souches étaient similaires à celles présentes aux Caraïbes, en particulier à Haïti, au début des années 1970. De plus, elles étaient assez différentes les unes des autres, suggérant que le virus circulait déjà et avait muté. L'épidémie de VIH-1 aux États-Unis aurait donc émergé d'une épidémieépidémie préexistante aux Caraïbes. D'après les chercheurs qui ont aussi analysé le sang de Dugas, il n'y a donc aucune preuve biologique ou historique indiquant qu'il ait été le premier cas aux États-Unis.

    En 1987, le livre du journaliste Randy Shilts, le best-seller And the Band Played, l'avait accusé d'avoir été l'un des premiers malades du Sida à avoir eu des relations avec des Américains ; en raison de ses nombreux partenaires sexuels, il était rendu responsable de la propagation de la pandémiepandémie. Depuis des décennies, cette théorie était réfutée.

    Une confusion sur le terme de « patient zéro » a participé au mythe : au départ, pour les scientifiques, Gaëtan Dugas était le cas O57 (O pour Outside of California). Mais ensuite, il a été désigné par « zéro », laissant entendre qu'il se trouvait au démarrage de l'épidémie. Dugas a donné des dizaines de noms de ses partenaires sexuels et avait lui-même un nom facile à se remémorer, contrairement à d'autres patients, ce qui a contribué à l'imaginer comme étant au centre d'un réseau sexuel.