La contraception passe mâle

Même si il y a encore beaucoup de réticences chez les hommes, certains ont franchi le pas et ont essayé des méthodes parfois surprenantes.
par Anne-Claire Genthialon
publié le 5 novembre 2013 à 20h06

Pourquoi la contraception ne passerait-elle pas dans le camp des hommes ? C'est la question soulevée par le Planning familial et l'Ardecom (Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine) qui déplorent que «la maîtrise de la fertilité du couple, que ce soit pour une nuit ou plus, repose entièrement sur les femmes». Et eux qu'en pensent-ils ? A en croire un sondage (CSA de 2012), 61% seraient prêts à prendre une pilule contraceptive si elle était commercialisée. En attendant, les voilà plutôt qui s'abritent derrière une pénurie de moyens se résumant à capote ou retrait. Sauf que comme le rappelle le Planning familial, il existe des alternatives, des méthodes souvent méconnues et parfois très surprenantes pour rendre un homme responsable de sa fécondité.

Au menu des possibles ? La contraception thermique, mise au point dans les années 80 qui consiste à enfiler un sous-vêtement serré pour faire monter la température des testicules et diminuer ainsi la production de spermatozoïdes. Mais dans la pratique, le «slip chauffant» fait plus sourire qu'il n'emballe. Autre méthode : la vasectomie. Là encore, peu d'adeptes. Bien qu'autorisée depuis 2001 en France, elle ne concerne que 0,5% des hommes, loin derrière les pays anglo-saxons où ils sont 15 à 20% à y avoir recours. Reste la «pilule» masculine. Elle ne se gobe pas mais s'injecte une fois par semaine pendant dix-huit mois selon un protocole de l'OMS et est déjà testé sur 1 500 hommes. Seul hic, les produits n'ont pas encore d'autorisation de mise sur le marché. «Le problème n'est pas que médical, assure Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Planning familial. Les freins sont bien plus profonds. Limiter la capacité reproductive des hommes fait peur : cela questionne leur rôle, celui des femmes, la fertilité, la virilité…» Paroles d'hommes qui, eux, ont franchi le pas.

Justin, 43 ans, vasectomisé «Disposer de mon corps»

«Après la naissance de mon deuxième enfant, la question de ma propre contraception s’est posée dans mon couple. Jusqu’alors, pour moi, c’était une affaire de femme et je ne m’en étais jamais trop soucié. Mais ma femme ne supportait plus son stérilet et ne voulait pas reprendre la pilule. Le préservatif ne nous satisfaisait pas. Comme nous ne voulions pas de troisième enfant, la vasectomie s’est imposée. Nous en avons beaucoup parlé et elle m’a accompagné dans les démarches, mais c’était avant tout ma décision. Bien sûr, c’est radical - ça reste une stérilisation ! -, mais je ne connaissais pas d’autre moyen de contraception masculine. L’opération a eu lieu il y a plus d’un an et je le vis comme une libération. Le fait de ne plus être fertile m’a apporté une légèreté : il n’y a plus ce risque de faire un enfant sans le désirer, sans l’avoir décidé. Je ne l’ai pas vécu comme une castration, ni une perte de virilité. Au contraire : j’ai l’impression de pouvoir pleinement disposer de mon corps. Et puis, de ne plus pouvoir enfanter jusqu’à 70 ans, ça ramène les hommes et les femmes sur un même pied d’égalité face à la fertilité.»

Pierre, 67 ans, a testé une pilule pendant un an et demi «Une autre forme de virilité»

«Je suis le président d’Ardecom, l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine. Il y a trente ans, moi et une centaine d’autres hommes de l’association, avons pris une pilule contraceptive. C’était une démarche militante : nous faisions parti d’un groupe de parole d’hommes dans lequel nous discutions de notre rôle de dominant, de notre sexualité et des moyens de participer à la contraception. Nous avons testé un protocole qui consistait à prendre une pilule quotidienne pour stopper la production de spermatozoïdes et à s’appliquer une crème sur le corps pour maintenir notre niveau de testostérone. Au cours des dix-huit mois de traitement, mon regard sur mon corps a changé. J’ai découvert une autre forme de virilité, loin du modèle conquérant véhiculé par l’époque. Ni ma libido, ni ma bandaison n’ont été affectées mais je n’étais plus focalisé par le trio érection-pénétration-éjaculation. Faire l’amour n’était plus l’accomplissement de l’acte sexuel mais une relation de tendresse, de plaisir à deux, de sensualité. Le préservatif s’est imposé comme moyen de contraception avec l’arrivée du sida mais j’espère que dans un souci d’égalité, de plus en plus d’hommes en couple vont s’emparer de leur contraception.»

Théo, 27 ans, utilise la méthode thermique «Un partage des risques»

«Ça fait deux mois que tous les matins j’enfile mon "remonte-couilles". C’est un slip spécial que je porte seize heures par jour sous mon caleçon et qui me cale les testicules près de la peau. La chaleur corporelle dégagée fait baisser ma production de spermatozoïdes. Même si ça peut faire marrer, la méthode est sérieuse. Si je me "contracepte", ce n’est pas par peur de l’enfant dans le dos mais pour ne pas faire peser le risque d’une grossesse non désirée uniquement sur ma copine. C’est un rapport de confiance, de partage des risques. Bien sûr, ça me titille : je me demande si mes spermatozoïdes ne vont pas être endommagés par le traitement. Mais d’autres hommes ont testé cette méthode et ont eu des enfants par la suite. Et puis, ces craintes, ce sont les mêmes finalement qu’il y avait à propos de la pilule féminine…»

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