76% de dysfonctions érectiles chez les patients goutteux

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

18 juin 2014

Paris, France – Dans une série de 201 patients, âgés de 18 à 89 ans, ayant consulté dans un service de rhumatologie entre août 2010 et mai 2013, on trouve un taux de dysfonction érectile de 76% parmi les 83 patients goutteux, contre 52% dans le reste de l’effectif (p=0,0007). Ces résultats, présentés par leDr Naomi Schlesinger (Rutgers-Robert Wood Johson Medical School, New Brunswick, Etats-Unis) lors du du congrès de l’ European League Against Rheumatism (EULAR), appellent deux conclusions [1].

Premièrement, « ces résultats soutiennent fortement la proposition de dépister la dysfonction érectile chez tous les hommes atteints de goutte. Davantage d’attention à la dysfonction érectile chez les goutteux devrait conduire à une prise en charge médicale de cette situation », a souligné le Dr Schlesinger, en ajoutant que « le simple fait d’évoquer le problème avec des patients généralement discrets sur la question, leur procure déjà du réconfort ».

Deuxièmement, « Comme la goutte est fréquemment associée aux facteurs de risque cardiovasculaires et aux coronaropathies, et que les patients atteints de dysfonction érectile présentent aussi un risque coronarien accru, une coronaropathie silencieuse devrait être dépistée chez ces patients ».

Dépister la dysfonction érectile, c’est commencer à rechercher la coronaropathie

Les facteurs communs à la goutte, à la dysfonction érectile et aux maladies cardiovasculaires sont en principe nombreux : âge, diabète, HTA, tabagisme, hyperlipidémie, obésité, prise d’antidépresseurs, de bêta-bloquants, de diurétiques, inflammation. On note d’ailleurs que le score SHIM (Sexual Health Inventory in Men) est inversement corrélé aux taux circulants d’IL-1bêta et d’IL-6.

Dans la population analysée par le Dr Schlesinger, ces corrélations ne sont toutefois pas toujours retrouvées, et sont parfois inverses des corrélations attendues. Les patients goutteux ne sont pas plus âgés (56 vs. 53 ans ; p=0,0174 en analyse multivariée). Et l’on trouve davantage de diabète parmi les patients non goutteux (17% vs 11% ; p=0,0038), et davantage de tabagisme. D’où l’intérêt de la goutte en tant que marqueur.

Au questionnaire SHIM, le score moyen de l’ensemble de la population était de 16,88 (un score < 21 reflète une dysfonction érectile, et un score < 10, une dysfonction érectile sévère). Le score des patients goutteux était de 14,38, et le score des patients non goutteux, de 18,53 (p<0,0001). On note que la dysfonction érectile, lorsqu’elle était présente, était plus sévère parmi les patients goutteux. Parmi ces derniers, la présence de signes cutanés (tophi) était associée à une dysfonction érectile plus fréquente.

« La dysfonction érectile est un facteur prédictif indépendant des évènements cardiovasculaires », a rappelé le Dr Schlesinger. « Une coronaropathie silencieuse est détectable à l’angiographie chez quelques 20% des hommes présentant une dysfonction érectile. »

En d’autres termes, « un homme présentant une dysfonction érectile est un patient cardiaque jusqu’à preuve du contraire ». Or, « la dysfonction érectile est présente chez la grande majorité des hommes atteints de goutte. Elle est généralement sévère. Et les patients ne s’en plaignent pas volontiers ». Au médecin, donc, d’aborder la question.

 

REFERENCE :

  1. Schlesinger N. All men with gout should be screened for erectile dysfunction. Congrès de l’EULAR. Paris, 12 juin 2014.

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